
Jean Michel BECOGNEE fait des photos depuis toujours, ce sont ces mots à lui. Des vrais mots il en a pourtant, il en donne à des enfants car il est professeur, à des femmes et des hommes emprisonnés car il enseigne en maison d'arrêt. Il est sapeur pompier, aussi, depuis vingt ans. Mais peut-être que certains mots restent coincés dans sa gorge, alors il y a ses photos.
Il sort son appareil dans la rue, au milieu des gens, de ses collègues et des forces de l'ordre, dans le mouvement, au c?ur des événements. Avec son appareil photo, il défend son point de vue. Au plus près, sans tricher. Son témoignage est celui d'un reporter photographe. Il veut savoir, il veut comprendre. Il veut être sûr d'être vivant parmi les vivants, il prend des risques, parfois.
Ce n'est pas nouveau, c'est juste un impérieux besoin de vérifier cet état. Tout ce qui charge en mêlée, sur un tatami, qui roule, qui flotte, qui vole, à voile ou à moteur, il connaît.
On pourrait ajouter qu'il est courageux. Et posé, mais ça c'est l'âge. C'est utile car cela lui permet d'être au ras des pavés, de recevoir les grenades lacrymogènes ou d'entendre le bruit des goupilles. A chaque manifestation, il est là visage découvert, il noue des relations, on lui parle. De la misère, des mois qui n'ont pas de fin, ni de début.
Notre homme cherche à comprendre, à nous faire partager ce qu'il a attrapé après toutes ces journées, ces violences, la répression, le chaos.
Il croit que l'homme peut redevenir libre. Quelle drôle d'idée. Ses photos sont terribles pour certaines mais il y a aussi tous ces visages. « La beauté est dans la rue » c'était en 1968. Depuis, la colère est dans la rue, l'espoir aussi. La beauté, toujours.